C’est drôle, je ne fais pas de vélo mais j’ai toujours travaillé dans le vélo. C’est vraiment une part de ma vie.
J’ai commencé à travailler à l’âge de 16 ans. Je voulais faire un apprentissage en charcuterie et j’ai d’abord fait un stage dans une charcuterie pendant une semaine. On m’a confié des tâches vraiment ingrates, qui m’ont dégoûté. Un monsieur que je connaissais m’a dit que Méral cherchait des jeunes, donc on y est allés avec un copain, et on a été embauchés. D’abord pour trois mois, ensuite pour une durée indéterminée.
Au départ, j’ai appris la brasure avec Francis Quillon, le fondateur de Méral. Je brasais les pattes, les butées, des triangles avant, des fourches, etc. Je m’occupais aussi de la lime. À l’époque, il n’y avait personne à la peinture et ils cherchaient quelqu’un. Moi je n’y connaissais rien, mais quand Francis m’a proposé de m’en occuper, j’ai accepté pour la décoration.
C’est Yves, un ancien, qui m’a tout appris. J’ai donc travaillé chez Méral pendant sept ans, de 1980 à 1987. Ensuite, Méral a été revendue aux cycles Lejeune, et j’ai dû faire d’autres choses. Sur les conseils de Francis, je suis allé travailler dans une entreprise à Blois. Je n’y suis resté que six mois, car je ne m’entendais absolument pas avec le patron. Je suis ensuite allé chez Starway, qui était une entreprise de peinture de cadres. Je suis arrivé là-bas en 1989 et j’y suis resté 11 ans. J’ai appris pas mal de choses. On recevait les vélos, on les apprêtait et on les peignait à la chaîne, puisqu’on était capable de sortir environ mille vélos par jour.
Un jour Starway a perdu son plus gros client et j’ai fait un an et demi de chômage. J’ai travaillé six mois pour une entreprise qui peignait des soldats de plomb, en envoyant pas mal de CV dans des entreprises de cycles. C’est un ancien client de Méral qui a lu mon CV et l’a envoyé à Francis, qui entre-temps avait créé Cyfac et qui cherchait un peintre. Il m’a embauché dans la foulée, treize ans après la fin de Méral. C’était en 2000, ça fera donc 20 ans en 2020.
Je suis un peu le patriarche à la peinture. Un peu le référent. Une fois que les collègues ont peint le cadre, il arrive à la cabine peinture. Je fais un pré contrôle. Je regarde s’il y a des petits défauts à enlever, et je m’occupe du vernis.
Pour le vernis, ça se passe dans la cabine. On utilise l’électrostatique, ce qui me permet de gagner du temps et d’être plus efficace. C’est pour ça que je porte un seul gant, pas deux sinon je me prends un coup de jus.
Une fois les cadres vernis, je les laisse reposer une demi-heure dans la cabine, avant de les mettre deux heures au four à 53 degrés. Ensuite, je les ponce et les dégraisse, avant de travailler sur les retouches. J’enlève au maximum tous les petits défauts de peinture, et je refais un deuxième vernis qui sera le vernis final. Certaines couleurs demandent plus de retouches que d’autres, mais de manière globale on fait des retouches sur tous les cadres.
Une fois que le vernis final est posé, c’est terminé pour moi. Le cadre part à l’emballage.
Chez Cyfac on ne fonctionne qu’à la commande. Sur-mesure. On suit à la lettre la demande du client, au niveau des graphisme et des décorations. On est vraiment très attentifs à sa demande. Je ne suis peut-être pas objectif, mais on sort de beaux produits (rire).
Ce qui me rend fier, c’est par exemple le jour où Aymeric a annoncé qu’on allait re-sortir des cadres Méral. Ce n’est peut-être pas grand chose vu de l’extérieur, mais j’ai commencé chez Méral quand j’avais 17 ans. J’étais gamin et c’était mon premier travail.
Autrement, je ressens quelque chose chaque fois que je croise un cadre Cyfac. Il y a quelques temps, un de nos vélos était exposé au Château de Chambord. J’y suis allé avec des amis, à qui j’ai donc expliqué comment j’avais travaillé dessus. A côté de nous il y avait un couple avec un enfant qui écoutait. Ils m’ont posé pas mal de questions, et j’ai vraiment ressenti de la fierté. Ah oui, j’allais oublier : je suis aussi très fier d’avoir vernis des vélos pour Jeannie Longo !
Je ne te cache pas que dans trois ans je vais prendre ma retraite et j’aimerai simplement que l’activité perdure. Que l’on continue à sortir de beaux produits, de grande qualité.