C’est mon oncle qui m’a transmis le virus, j’avais huit ou neuf ans. J’ai commencé par des balades, et je me suis essayé à une pratique un peu plus sportive, avec mon frère, pour voir ce que c’était. Je n’ai jamais fait de vélo en compétition, je suis plutôt tourné vers le cyclotourisme, même si le fait d’être jeune papa limite un peu mes possibilités. Au-delà de la pratique, j’aime préparer un bel objet pour chaque client et la relation qui s’établit avec lui, les anecdotes de ceux qui voyagent, les récits de course des compétiteurs.
Au départ, j’ai une formation d’ingénieur aux Arts et Métiers. Je suis arrivé chez Cyfac en 2009, six mois après la reprise par Aymeric, mais je connaissais déjà l’entreprise pour y avoir fait un stage six ans avant, dans le cadre de mes études. Je dirais que mon évolution a été plutôt très rapide. Lorsque je suis arrivé, l’entreprise n’avait plus de responsable d’atelier ni de responsable de production, il a donc fallu refaçonner le projet : on a réorganisé et normalisé l’atelier, ainsi que les process, et on a progressé rapidement en termes de productivité. Tout ça autour de trois ou quatre personnes au départ, et puis petit à petit l’équipe s’est renforcée.
Mon titre dans l’entreprise c’est responsable de production, et mon rôle est un peu celui d’un chef d’orchestre. Ça intègre la conception pure et dure de nouveaux produits, à laquelle j’associe souvent des stagiaires, souvent en écoles d’ingénieur. Je m’occupe également la conception des vélos en commande, pour définir la géométrie, la méthode d’assemblage des tubes, et toutes les données nécessaires pour le lancement en production. Enfin, je gère l’organisation de la production, en lien avec Aymeric et Boris. La maintenance aussi et l’organisation de l’atelier.
Boris s’est chargé au préalable de l’entretien avec le client. Il a rédigé le cahier des charges, réalisé l’étude posturale. Mon rôle à partir de là c’est, assez simplement, de faire correspondre les désirs et les attentes du client avec le vélo que l’on va produire. Chez Cyfac, nous avons pour habitude de ne pas brider les clients dans leurs désirs et attentes. Passée l’étape de la discussion et de la réflexion, on trouve toujours des solutions et des compromis qui les satisfont. À partir de toutes les contraintes induites par le projet en termes de géométrie et de tenue de route, je vais réaliser un bon de fabrication incluant un schéma synthétique reprenant toute la géométrie du vélo, les côtes, les longueurs, les angles de découpe, les types d’interfaces. Sur certains projets, comme un tandem, cela peut prendre jusqu’à trois heures. Ce schéma est ensuite soumis au client pour validation, ou en interne s’il n’est pas compétent ou qu’il nous fait totalement confiance, ce qui arrive souvent. La validation permet de lancer véritablement la fabrication du vélo.
La phase de conception exige beaucoup d’attention et une certaine expérience pour respecter certaines règles d’or dans la géométrie d’un vélo. Il faut savoir aussi rester ouvert, et se dire que tout est possible. C’est ce qui permet l’innovation, en associant les matériaux, en les modifiant, en répondant parfois à des demandes qui défient les lois de l’équilibre et qui bousculent nos certitudes.
Ma plus grande fierté chez Cyfac, c’est notre capacité à répondre à des demandes qui semblent impossibles à satisfaire. Comme quand il a fallu produire un tandem en dernière minute pour l’équipe d’Irlande féminine engagée sur les Jeux Paralympiques de Rio, et que les filles remportent la médaille d’or. Ou quand un client casse son cadre juste avant Paris-Brest-Paris, qu’il pense que c’est fichu, qu’on arrive à le lui réparer et qu’il boucle sa course en 80 heures. Ce sont des expériences magnifiques.
Le prochain défi pour Cyfac ? Je ne peux pas trop en dire, mais ça concerne un projet que j’ai dans mes cartons depuis un bon bout de temps. Vous ne devriez pas tarder à en entendre parler.